9 février 2010
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Dépouillons les personnages, avançons plus profond. Voilà mes désirs, mes volontés, mes espoirs, mes appels. Est-ce moi déjà ? (…) Un effort encore, et je défais ces nœuds résistants pour atteindre à un ordre plus intérieur. (…) Cette unification progressive de tous mes actes, et par eux de mes personnages ou de mes états est l’acte propre de la personne. Ce n’est pas une unification systématique et abstraite, c’est la découverte progressive d’un principe spirituel de vie, qui ne réduit pas ce qu’il intègre, mais le sauve, l’accomplit en le recréant de l’intérieur. Ce principe vivant et intérieur est ce que nous appelons en chaque personne sa vocation. Elle n’a pas pour valeur première d’être singulière (…) mais, en même temps qu’unifiante, elle est singulière par surcroît. La fin de la personne lui est ainsi en quelque manière intérieure : elle est la poursuite ininterrompue de cette vocation. (…) La personne seule trouve sa vocation et fait son destin. Ma personne n’est pas la conscience que j’ai d’elle. (…) Ma personne comme telle est toujours au-delà de son objectivation actuelle, supraconsciente et supratemporelle, plus vaste que les vues que j’en prends, plus intérieure que les constructions que j’en tente. Sa réalisation, donc (…) est un effort constant de dépassement et de dépouillement, donc de renoncement, de dépossession et de spiritualisation. (…) Le sujet est à la fois une détermination, une lumière, un appel dans l’intimité de l’être, une puissance de transcendement intérieur à l’être. Loin de se confondre avec le sujet biologique, social ou psychologique, il dissout continuellement leurs contours provisoires pour les appeler à se réunir, au moins à se rechercher sur une signification toujours ouverte. Sous son impulsion, la vie de la personne est donc essentiellement histoire, et une histoire irréversible.
Emmanuel Mounier